The Ugly Stepsister

Réalisé par Emilie Blichfeldt, sorti en 2025, produit en Norvège, Pologne, Danemark et Suède.

L’histoire

The Ugly Stepsister est un remake de Cendrillon, raconté du point de vue d’une des deux belles-sœurs « moches ». Le film s’ouvre sur le mariage du père de Cendrillon/Agnes, et de Rebekka, la mère d’Elvira et Alma. Le dîner de noces se déroule dans les rires jusqu’à ce que le père d’Agnes jette de la nourriture à la face niaise d’Elvira, suscitant une joie renouvelée chez les autres convives. Hasard ou retour de bâton, le père décède deux minutes plus tard, la tête dans le gâteau à la crème. 

Le proverbe « qui se marie au loin trompe ou est trompé » illustre la suite : chaque partie de la famille recomposée se découvre mutuellement désargentée. Il faut donc trouver à tout prix un moyen de se sortir de la misère, et l’annonce du bal donné par le Prince Julian tombe à pic. Agnes et Elvira entrent en concurrence pour devenir l’élue du Prince, sauf qu’Elvira n’a ni le physique, ni les manières pour être une candidate sérieuse face à sa belle-sœur à tête d’ange. Heureusement, sa mère Rebekka est là pour s’assurer qu’Elvira devienne la plus belle…

Aspects horrifiques – spoilers

Le film ne suscite pas tant la peur que de fortes sensations de dégoût. La cruauté de Rebekka provoque l’horreur psychologique car elle ne considère jamais sa fille comme une personne, mais comme le moyen d’accéder à un autre statut social. En écho à l’utilisation du corps des femmes comme objet de transaction économique par le mariage, le corps d’Elvira devient la marionnette de sa mère, secondée par la directrice de l’école et la professeure de danse, toutes détentrices du « bon physique » : grandes et minces, au visage symétrique. Elvira ne cesse de remplir de nourriture un corps qui ne lui appartient pas. Découpé, brisé, dévoré, morcelé, il existe plus en tant que reflet à contrôler qu’en tant que corps empouvoiré, agissant (personnifié par Alma). La mise en scène body horror nous touche dans notre chair de spectatrice par la dissociation corps/esprit imposée par le regard masculin interiorisé, et les multiples agressions sur ce corps féminin, somme de parties cassées et recousues à la va-vite, à deux doigts de se disloquer. 

J’ai aimé parce que … – spoilers

L’esthétique kitsch est asssumée et contraste avec le quotidien sinistre d’Elvira. Ce déversement de rose et de cheveux soyeux est ici toujours associé au visqueux, à ce qui dégouline. Les frontières ne sont nulle part : les asticots naviguent entre le corps du père et les gâteaux, de même que les mains de Rebekka manipulent des verges molles, abolissant les limites de l’intime et de l’enveloppe corporelle. 

Le film est plus nuancé que le conte : Cendrillon n’est pas tout à fait sympa, et la belle-sœur pas vraiment sans cœur. Au bout d’une demi-heure, on ne sait plus trop qui on soutient : ces femmes se tirent dans les pattes pour devenir la femme d’un Prince qui est un bolosse. 

Agnes est-elle choisie par Julian parce qu’elle est plus jolie ? La bataille est perdue d’avance pour Elvira (et Lea Myren incarne l’empotée avec beaucoup de saveur), car le film nous parle de hiérarchie sociale. Agnes est choisie parce que c’est une aristo, et qu’elle a les codes. Ce qui nous est dit ici, c’est qu’on peut certes s’élever socialement grâce à sa beauté « naturelle » et à son « sens de l’honneur » (Agnes est travailleuse, et reste fidèle à son père), mais seulement pour être soumise à un homme vulgaire, qui n’a de Prince que le nom. En ce qui concerne Elvira, s’infliger des sévices pour paraître ce qu’on n’est pas ne semble pas une issue de secours. En revanche, on peut choisir de se barrer d’un environnement familial toxique avec sa sœur à dos de cheval blanc ! Et c’est une réussite d’avoir fini sur cette touche de liberté.

*Lore

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